« Les espaces publics, c’était mieux avant? » Retour sur le café débat n.2 du CdD en présence de Gilbert Vaudey
La société évolue, nos rythmes de vie aussi… Qu’en est-il des espaces publics ? Les évolutions des espaces publics vont-elles dans le bon sens ? Les espaces publics sont-ils toujours des espaces du (bien) vivre ensemble et de mixité sociale ? L’ont-ils jamais été ?
Ces interrogations étaient au centre des échanges lors du 2ème café-débat organisé par le CdD le 25 mai dernier au 27 Madeleine : « Les espaces publics, c’était mieux avant? »
Les cafés-débats sont des rendez-vous organisés par le Conseil de développement (CdD) pour débattre avec les habitants de l’évolution des espaces publics et de leurs expériences au fil de temps (passé, présent, futur), dans un cadre convivial autour d’un café.
Ce deuxième café-débat s’est appuyé sur le savoir et les interventions passionnantes de Gilbert Vaudey, poète et écrivain, auteur de l’ouvrage « lettre de loin, comment Lyon s’éloigne… », invité central, présent pour lancer et réagir aux échanges.
Peut-on dire que les espaces publics étaient mieux avant ?
Selon Gilbert Vaudey, les villes changent et évoluent, les façons de vivre aussi. La structure économique et sociale de la ville se transforme, tout comme les besoins et les attentes de ses habitants. La question de l’espace public doit donc se poser différemment selon les moments de l’Histoire.
Dans les années 1950 jusqu’aux années 1970 par exemple, la mixité sociale à Lyon était bien plus importante. Sur le quartier de la Croix Rousse, une proximité existait davantage entre les habitants : bourgeois, employés et ouvriers partageaient le même espace de vie. Le quartier s’est depuis fortement gentrifiée, ce qui impacte nécessairement notre relation aux espaces publics. Il parait vain de s’interroger si les choses étaient mieux avant, l’enjeu serait plutôt de comprendre les transformations au regard des évolutions de la société…
Est-ce le rapport que les gens entretiennent avec la ville qui a changé ?
Le rapport à la ville est différent selon où l’on habite, notre âge et notre catégorie sociale. Selon Gilbert Vaudey, la ville représentait auparavant un espace riche de ses lieux de culture (théâtre, cinéma, musées…) , elle avait une diversité commerçante, elle offrait des lieux conviviaux au travers de ses cafés et troquets. « La ville était un amusement avec ses traboules : il s’agissait d’aller d’un lieu à un autre, de toutes les découvrir. À l’époque, le Boulevard des Brotteaux était un lieu où se rencontrait la jeunesse lyonnaise dans ses nombreux bistrots. Il était agréable d’y flâner ». Aujourd’hui, les gens viendraient davantage en ville avec un but précis : ils se déplacent souvent d’un point A à un point B, puis repartent. Un participant précise : « il semblerait que les gens ont désormais une vision consumériste de la ville, ce qui ne permet pas la rencontre ou l’existence de lien social ».
On observe un phénomène de gentrification de la ville de Lyon, cela veut-il dire qu’elle a perdu sa mixité ?
De nombreuses transformations ont eu lieu à Lyon. L’auteur rappelle que dans les années 1950 jusqu’aux années 1970, la mixité sociale à Lyon était bien plus importante. En effet, depuis, l’augmentation du coût de l’immobilier a entrainé le départ des classes populaires à l’extérieur de la ville ; dans les périphéries et les banlieues. Sur le quartier de la Croix Rousse, une proximité existait davantage entre les habitants dans le passé. La mixité sociale était aussi caractéristique du quartier ; bourgeois, employés et ouvriers partageaient le même espace de vie. La Croix Rousse s’est depuis fortement gentrifiée, bien qu’elle n’ait pas changé dans son apparence physique, sa composition sociale n’est plus la même. Il évoque l’exemple de la Guillotière :
« La Guillotière est un lieu de deal depuis la fin des années 1960, cela n’a pas changé. Toutefois, la gentrification du quartier a accru les tensions sociales. À l’époque la convivialité était caractéristique des espaces publics lyonnais dans ce quartier. En effet, les gens étaient dans la rue, se rencontraient et les commerçants discutaient sur le pas de leurs commerces. Le sentiment de sécurité était partagé. Aujourd’hui, l’espace public a aussi perdu de son charme esthétique et les gens ont moins envie de s’y rencontrer ».
La ville est-elle désormais trop tournée vers l’extérieur et pas suffisamment vers ses habitants ?
Les quartiers de Vaise, Gerland, Confluence, et Part-Dieu sont des quartiers nouveaux qui disposaient d’une forte réserve foncière et qui font vivre la ville de Lyon. Ce sont des « vitrines de la modernité » qui ont une fonction promotionnelle du territoire en étant tournés vers l’extérieur.
L’historien rappelle : « Tout au long du 19ème siècle, Lyon s’est caractérisée par une dimension internationale forte du fait de son rayonnement économique ». La qualité de vie est rendue difficile, par exemple, la construction du bâtiment le CLIP à la Guillotière a été perçue comme une véritable « déclaration de guerre » à ses habitants. « Il est nécessaire d’être vigilant vis-à-vis de ces espaces pensés par le haut sans regarder les besoins du quartier ».
Les participants évoquent également la fête des Lumières qui a complètement changé de nature au fil des ans : avant les années 1990-2000, les Lumières étaient un moment agréable où on sortait, on se rencontrait. Les gens plaçaient des luminions sur le rebord de leurs fenêtres, il y avait une certaine « magie urbaine » à cette période de l’année. Aujourd’hui, c’est devenu un évènement qui n’est « pas agréable, très cher, et bondé de monde ». « Celui-ci vise uniquement à faire rayonner la ville au niveau international et de nombreux lyonnais quittent la ville durant cette période ».
Assiste-t-on à un changement de culture dans la ville ou à un effet de mode ?
D’après Gilbert Vaudey, plusieurs facteurs sont responsables de cette transformation. L’individu s’est recentré sur lui-même et l’urbanisation a suivi cette logique. La vie va plus vite, le gain de temps est un objectif quotidien chez les individus. Cela a entrainé un changement dans le rapport à la ville. Par ailleurs, le rapport est différent pour les périurbains puisqu’avant, Lyon représentait une ville dans laquelle il était agréable de passer du temps d’oisiveté et de flânerie avec son quartier des halles, ses bistrots. En effet, la relation à la ville n’était pas construite sur l’utilité et la consommation telle qu’elle l’est aujourd’hui. La ville n’est plus un terrain de rêverie dans laquelle flâneurs de tous horizons se rencontrent. Elle a principalement une vocation fonctionnelle…
Il est nécessaire de s’interroger sur ce que l’on souhaite pour l’avenir. Créer du rapprochement et du lien social est important. Il faut se demander ce qui a mené à cette perte de lien social ? Comment porter une action afin d’y remédier ? Vers les gens ou vers les lieux ?
Après ce débat, les citoyens ont partagé leurs impressions et poursuivi les échanges autour d’un pot convivial.
A suivre !
Ce café-débat était le deuxième d’une série d’événements imaginé par les membres du CdD sur l’espace public.
Une Assemblée citoyenne spéciale « espace publics » aura lieu le 6 octobre prochain (plus d’infos à venir prochainement).
Une restitution de la démarche globale du Conseil de développement sur les espaces publics sera partagée d’ici décembre lors d’une Assemblée citoyenne de clôture, en présence des élus de la Métropole.
Consultez régulièrement le site du CdD et la plateforme JeParticipe de la Métropole de Lyon pour rester informés sur les prochains évènements de participation citoyenne.
Cliquez sur le bouton ci-dessous pour plus d’infos sur le groupe de travail du CdD travaillant sur les espaces publics :